AP'titude
Janvier 2023

Informations à destination des services MJPM
Sommaire

L'UTRA PJM VOUS SOUHAITE UNE BELLE ET HEUREUSE ANNEE 2023

ACTUALITE SECTORIELLE
Augmentation de la valeur du point

Des recommandations patronales des syndicats représentatifs des employeurs NEXEM et FEHAP prévoient une augmentation de l’ensemble des salaires du secteur sanitaire, social et médico-social de 3% avec effet rétroactif au 1er juillet 2022 (à égalité avec l’évolution qu’a connu le point d’indice dans la fonction publique). Les recommandations ont été agréés par arrêté publié au Journal Officiel le 24 décembre 2022.
Le syndicat NEXEM présente cette mesure comme étant un « coup de pouce » dans le contexte de forte inflation que nous connaissons.

ACTUALITE PJM
Une RBPP de la HAS relative à l’accompagnement des personnes nécessitant une mesure de protection juridique

La Haute Autorité de Santé (HAS) a publié la note de cadrage d’une recommandation de bonnes pratiques professionnelles (RBPP) concernant l’accompagnement des personnes nécessitant une mesure de protection juridique. Cette note de cadrage qui a été validée le 29 novembre 2022 est intitulée « Accompagner la personne nécessitant une mesure de protection juridique dans l’exercice de ses droits et vers un parcours inclusif ».
Les enjeux de cette RBPP, qui devrait être publiée en septembre 2024, sont définis ainsi :
« L’exercice du mandat judiciaire participe, avec sa spécificité et au côté des différentes formes d’accompagnement s’adressant aux personnes en situation de vulnérabilité, à favoriser leur autodétermination, leur autonomie, la mise en œuvre effective de leurs décisions, un parcours de vie inclusif et à garantir le respect de leurs droits et libertés.
Permettre à la personne d’élaborer et d’exprimer ses choix de vie et d’être citoyenne à part entière, tout en assurant sa sécurité et en protégeant son intérêt, est avant tout un enjeu sociétal. De plus, son accompagnement global s’inscrit nécessairement au croisement de volontés et de contraintes qui entrent en tension, sur les plans aussi bien juridique, éthique, que des pratiques et des organisations.
L’enjeu de ces recommandations est donc de définir et promouvoir un cadre d’intervention et de collaboration pour l’ensemble des acteurs accompagnant les personnes bénéficiant d’une mesure de protection juridique favorisant l’exercice de leurs droits pour être actrices d’un parcours de vie inclusif. »
Ainsi, la recommandation qui va être élaborée s’adressera aux personnes majeures concernées, à leur entourage (que l’exercice du mandat leur soit confié ou non), aux MJPM (qu’importe leur mode d’exercice), à l’ensemble des professionnels et des bénévoles participant à l’accompagnement global des personnes nécessitant une mesure de protection juridique.
Cette RBPP aura plusieurs objectifs. Elle visera à fournir des repères et des outils au service des pratiques et des organisations en vue de :
- Inscrire le mandat judiciaire dans un parcours global d’accompagnement en articulant les interventions des différents acteurs ;
- Permettre le développement de l’autonomie de la personne pour décider et agir et favoriser sont autodétermination, notamment en limitant autant que possible les actions substitutives, dans le cadre d’une prise de risque calculée et partagée ;
- Lever les obstacles à l’accès aux équipements et services de droit commun et favoriser un parcours de vie inclusif.
Dans une RBPP diffusée en juillet 2022 par la HAS relative à l’accompagnement de personnes présentant un trouble du développement intellectuel, celle-ci a retenu comme définition de l’autodétermination « l’ensemble des habiletés et des attitudes, chez une personne, lui permettant d’agir directement sur sa vie en effectuant librement des choix non influencés par des agents externes indus » (Wehmeyer, 1996, traduit par Lachapelle et Wehmeyer, 2003).
Vous trouverez en dernière partie de cette lettre d’informations un focus sur l’autodétermination qui donne un éclairage sur ce que ce concept signifie, comment il s’articule notamment avec les notions d’autonomie et de prise de risque partagée.

POINT JURIDIQUE
Une jurisprudence sur la volonté et l’intérêt d’une personne protégée

L’arrêt[1] a été rendu le 15 décembre 2021 par la Cour de cassation.
Bien qu’il date et concerne une mesure d’habilitation familiale, son contenu est particulièrement important et sa solution transposable aux autres mesures de protection.
L’arrêt porte sur une donation dans le cadre d’une habilitation familiale alors que la personne protégée est hors d’état de de manifester sa volonté.
« L’absence de caractérisation d’une intention libérale, présente ou passée, de la personne protégée, fait-elle nécessairement obstacle à la possibilité, pour le juge des contentieux de la protection, d’autoriser la personne habilitée à la représenter de manière générale pour l’ensemble des actes relatifs à ses biens, sur le fondement des articles 494-1 et suivants du code civil, à procéder à une donation ? »
L’arrêt revient sur ce qu’est l’acte de donation : « Aux termes de l’article 894 du code civil, la donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui l’accepte. Comme toute libéralité, elle suppose, outre l’appauvrissement du gratifiant, l’existence d’une intention libérale vis-à-vis du gratifié. »
Il reprend également les termes de l’article 415 du code civil, rappelant que l’habilitation familiale est soumise aux principes directeurs des mesures de protection juridique des majeurs. « Les personnes majeures reçoivent la protection de leur personne et de leurs biens que leur état ou leur situation rend nécessaire selon les modalités prévues au présent titre. Cette protection est instaurée et assurée dans le respect des libertés individuelles, des droits fondamentaux et de la dignité de la personne. Elle a pour finalité l’intérêt de la personne protégée. Elle favorise, dans la mesure du possible, l’autonomie de celle-ci. Elle est un devoir des familles et de la collectivité publique. »
Il est aussi rappelé que la loi permet que la personne protégée soit assistée ou représentée pour faire des donations, sous réserve de l’autorisation du juge en tutelle.
Ceci étant posé, la Cour décide que « lorsqu’une personne protégée faisant l’objet d’une mesure d’habilitation familiale est hors d’état de manifester sa volonté, le juge des contentieux de la protection ne peut autoriser la personne habilitée à accomplir en représentation une donation qu’après s’être assuré, d’abord, au vu de l’ensemble des circonstances, passées comme présentes, entourant un tel acte, que, dans son objet comme dans sa destination, la donation correspond à ce qu’aurait voulu la personne protégée si elle avait été capable d’y consentir elle-même, ensuite, que cette libéralité est conforme à ses intérêts personnels et patrimoniaux, en particulier que sont préservés les moyens lui permettant de maintenir son niveau de vie et de faire face aux conséquences de sa vulnérabilité. »
La Cour de cassation permet une autorisation du juge des contentieux de la protection sous conditions : rechercher ce qu’aurait voulu la personne protégée si elle avait été capable d’y consentir elle-même et s’assurer que la donation dont il est question soit conforme à ses intérêts personnels et patrimoniaux lui permettant ainsi de maintenir son niveau de vie.
[1] Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 15 décembre 2021, 21-70.022, Publié au bulletin

DROITS ET PRESTATIONS
La déconjugalisation de l’AAH

Le décret n°2022-1694 du 28 décembre 2022 relatif à la déconjugalisation de l’Allocation Adultes Handicapés (AAH) a été publié le 29 décembre 2022 au Journal Officiel.
Le texte entrera en vigueur le 1er octobre 2023.
Il détermine les modalités de la déconjugalisation de l’AAH. Il supprime la prise en compte des revenus du conjoint pour le calcul de la prestation, ainsi que les abattements applicables sur les revenus du conjoint en cas de réduction ou de cessation d’activité de ce-dernier.
Les bénéficiaires avec un droit ouvert au titre du mois de septembre 2023 relèveront d’un calcul déconjugalisé de la prestation sauf si cela leur est défavorable, auquel cas ils conserveront un calcul conjugalisé de la prestation tant que ce dernier leur sera plus favorable.
L’AAH des bénéficiaires dont le droit s’ouvre à compter du 1er octobre 2023 sera déconjugalisée. La déconjugalisation sera définitive (il ne sera pas possible de revenir au mode de calcul conjugalisé).
Un article[1] publié sur Handicap.fr le 15 septembre 2022 dit que 270 000 bénéficiaires vivant en couple sont concernés. Parmi eux, 160 000 devraient voir leur AAH augmenter de 300 euros par mois en moyenne. Dans le sens inverse, pour 45 000 personnes, la déconjugalisation entrainerait une baisse de leur AAH. Mais comme le décret le prévoit, pour les personnes qui ont un droit ouvert au mois de septembre 2023, le calcul qui leur sera appliqué sera celui qui leur est le plus favorable. Les nouveaux bénéficiaires de l’AAH, quant à eux, se verront automatiquement appliquer le mode de calcul déconjugalisé.
[1] Article « Déconjugalisation de l’AAH : le décret attendu en décembre 2022 »

MAIS AUSSI ...
Des podcasts sur l’autodétermination

« Agir pour l’autodétermination des personnes en situation de handicap… mais pas que… » sont accessibles librement sur internet. Les intervenants sont Martin Caouette[1] et François Bernard[2]. Nous vous proposons ci-dessous un résumé des podcast 1 à 7.
- Définition de l’autodétermination[3]
L’autodétermination est la disposition à agir libre d’influence externe indue, c’est-à-dire la possibilité d’exercer du pouvoir et du contrôle sur ce qu’on juge important dans sa vie. Cela ne signifie pas ne pas être influencé, mais garder son libre arbitre, ne pas se sentir obligé. Être capable de faire valoir ses droits, c’est aussi s’autodéterminer.
Qu’est-ce que l’influence externe indue ? C’est une influence tellement forte, une pression sur la personne qui fait qu’elle se sent obligée d’aller dans une direction. C’est le fait que la personne ne donne pas son avis mais la réponse qu’elle pense que l’on attend d’elle.
Pour certaines personnes c’est un défi d’exprimer ses préférences. Les professionnels qui accompagnent les personnes à l’autodétermination doivent donc favoriser les occasions de l’autodétermination. C’est tenir compte de l’avis de la personne, la solliciter pour connaître ses préférences. Le moment de choisir ses vacances, des loisirs, son orientation professionnelle, un lieu de vie… sont autant d’occasions de s’autodéterminer. Tout comme exprimer une préférence ou faire un choix dans sa vie quotidienne même si cela semble plus anodin.
Une personne développera une motivation plus importante et persévèrera dans un projet dès lors qu’il sera conforme à ce qu’elle a choisi elle-même.
La base de l’autodétermination est de regarder les majeurs en situation de handicap comme des adultes et donc ne pas les infantiliser.
- L’autorégulation, 1ère composante de l’autodétermination[4]
L’autorégulation c’est la capacité à anticiper les conséquences de son action, de s’ajuster par rapports aux informations issues de l’environnement et prendre des décisions en conséquence. Autrement dit, c’est la capacité à tenir compte de la réalité de son environnement.
Pour les professionnels, cela nécessite d’observer comment la personne s’autorégule, comment elle tient compte de son environnement ? Se demander si c’est le professionnel qui régule la personne ? Ou bien s’il la soutient dans son autorégulation ?
Soutenir l’autorégulation c’est attirer l’attention de la personne sur les éléments qu’elle a considérés autour d’elle pour agir plutôt que de lui dire quel comportement elle devrait avoir. C’est l’éclairer, l’informer, la questionner (en évitant d’induire la réponse mais en attirant l’attention sur les éléments qu’elle a à considérer pour faire son choix).
Accompagner à l’autorégulation c’est accompagner dans le processus de la décision : poser des questions ouvertes, laisser à la personne le temps de réfléchir et de répondre. C’est parfois laisser la personne expérimenter pour qu’elle se rende compte qu’elle s’est peut-être trompée et lui permettre de se réajuster.
La prise de risque, tenter une solution à un problème et se tromper font partie de l’apprentissage. L’important c’est de pouvoir rediscuter de ce qu’il s’est passé pour amener la personne à prendre conscience de ce qu’elle a oublié, de ce qu’elle n’a pas pris en compte. Qu’est-ce qu’elle a vécu ? Qu’est -ce qu’elle fera différemment la prochaine fois ?
– Empowerment et pouvoir d’agir, 2ème composante de l’autodétermination[5]
Dans le contexte de l’autodétermination, on parle d’empowerment psychologique. C’est-à-dire de la perception qu’a une personne de sa capacité à exercer du pouvoir et contrôle sur sa vie.
Pour le professionnel, il s’agit d’observer si une personne est capable de prendre des initiatives et renforcer cette capacité ; de reconnaître les situations où la personne peut prendre des décisions, où elle a la possibilité de choisir entre plusieurs options ; de s’assurer que la personne fait le lien entre la cause et l’effet pour qu’elle puisse assumer ses responsabilités ; de mettre en valeur les situations où la personne a exercé son pouvoir.
Ce n’est pas laisser faire la personne ce qu’elle veut quand elle veut mais lui permettre de s’approprier les conséquences de ses comportements et voir qu’il y a un lien entre les deux. Il s’agit de lui permettre de se sentir responsable des conséquences de sa décision, que celles-ci soient « positives » ou « négatives ».
Les cadres et les limites sont nécessaires. Le cadre doit être clairement posé et parfois remis en question car les situations et environnements évoluent dans le temps. Les professionnels doivent s’interroger : Le cadre est-il (toujours) « bon » ? Adapté ? Est-il trop large ? Pas assez ? Est-ce que le cadre est clair ? Est-ce que les différents acteurs et particulièrement la personne concernée en connaissent les limites ?
– L’autonomie, 3ème composante de l’autodétermination[6]
Dans le langage courant, l’autonomie est souvent définie comme le fait d’être indépendant.
L’autonomie est ici définie comme la capacité d’une personne à aller chercher les ressources dont elle a besoin pour arriver à obtenir ce qu’elle veut. C’est donc le fait de manifester ses besoins et d’être en capacité d’aller chercher les ressources nécessaires pour les combler.
Dans cette vision, développer l’autonomie c’est permettre à une personne de dire elle-même ce qu’il faut pour atteindre son objectif, même si elle n’est pas en capacité de réaliser l’action seule. C’est donner l’opportunité à une personne de définir l’ordre des actions. La laisser décider dans un cadre clair.
- L’autoréalisation, 4ème composante de l’autodétermination[7]
L’autoréalisation c’est l’occasion donnée à la personne de rayonner de par ses compétences, réussites, d’être fière d’elle. Cela permet à la personne de se reconnaître dans ses capacités et compétences. Cela va la stimuler.
Pour le professionnel, il s’agit de travailler à la prise de conscience des réussites, des réalisations qui permettent de gagner de la confiance en soi, la conscience de ses forces et aider la personne à se définir. Plus on a de confiance en soi, plus on a de motivation.
L’accompagnement doit lui permettre de faire une lecture de sa vie qui va l’aider à se distinguer, à apprendre à se définir, à se présenter au-delà du handicap (par exemple : « je suis amateur de foot, je peux échanger avec d’autres amateurs de foot de ma passion, peu importe mon handicap »). Plus on est conscient de nos capacités, plus l’identité est solide (en quoi je ressemble à …/ en quoi je me distingue de…).
Permettre ou favoriser le fait qu’une personne se connaisse c’est lui permettre de prendre conscience qu’elle peut avoir des centres d’intérêts différents de ceux des autres. C’est aussi favoriser le fait qu’elle noue des relations sociales et qu’elle ait une image positive d’elle-même. Cela peut concerner tous les domaines de la vie.
Pour le professionnel c’est aider la personne à être capable d’avoir un discours positif sur elle-même. Cela peut concerner de grandes réussites mais aussi de petites réalisations qui peuvent sembler anodines.
- Risque et autodétermination[8]
Le risque est toujours présent quand on accompagne quelqu’un. Le professionnel ou le proche veulent assurer la sécurité de la personne, mais la prise de risque est nécessaire pour faire des apprentissages. La vie est faite de risques et à travers le risque, on apprend. Une vie sans risque est une vie sans autodétermination.
Le risque n’est pas forcément synonyme de danger. Quand on est dans une logique de performance, l’échec et l’erreur sont négatifs. Quand on est dans une logique d’apprentissage, le fait de se tromper est une occasion d’apprendre. On tire des leçons, on apprend de l’expérience.
Parfois, les proches sont en résistance, en crainte par rapport au risque. Parfois aussi les professionnels craignent que leur responsabilité soit engagée. Il existe également des injonctions paradoxales entre respect de la liberté et sécurité de la personne.
Il y a différents niveaux de risque. Le professionnel doit se questionner : Le risque est-il réel ? Le risque est-il acceptable ? Les conséquences sont-elles raisonnables ? Comment peut-on rendre le risque acceptable ?
Le risque doit être discuté et partagé : Qu’est-ce que la personne perçoit ? Qu’est-ce que le professionnel perçoit ? Qu’est-ce que les proches perçoivent ? Qu’est-ce que l’on est prêts, collectivement, à assumer comme risque ?
Le professionnel doit poser un cadre, c’est-à-dire, rendre les choses possibles dans des limites. La clarté du cadre est nécessaire. Ce cadre droit pouvoir être négociable et évoluer dans le temps.
Une question doit être primordiale pour le professionnel : « quel est mon rapport au risque ? comment cela influence ma manière d’accompagner ? » L’expérience professionnelle et personnelle influence les perceptions. Il est important d’en avoir conscience et de pouvoir en discuter en équipe.
[1] Martin Caouette : Professeur et titulaire de la Chaire « Autodétermination et handicap » de l’Université Trois Rivières au Québec et Directeur scientifique du programme sur l’autodétermination du centre de formation Campus en France.
[2] François Bernard : Directeur Général du GAPAS.
[3] Podcast 1 – Définition de l’autodétermination
[4] Podcast 2 – L’autorégulation
[5] Podcast 3 – Empowerment et pouvoir d’agir

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